Entretien d'embauche

Publié le par Doug Joyce

Le mensonge

Sur les sites politiquement corrects, on vous dira que mentir c'est mal, que la relation employé/employeur est une relation de confiance, et blablabla. Deux choses :

  1. Votre interloccuteur n'est pas un idiot. Il sait que mentir est une pratique courante et il peut faire quelques vérifications. N'essayez pas de lui faire avaler couleuvre sur couleuvre pendant deux heures, vous courrez à la catastrophe.
  2. Votre interloccuteur n'a ni les moyens de la CIA pour vérifier tout ce que vous lui dîtes, ni un détecteur de mensonges embarqué.

Pour tout ce qui est invérifiable, vous pouvez mentir comme un arracheur de dents sans risque :

Vos motivations pour le poste : comment voulez-vous que la RH les vérifie ? Au lieu de dire que vous voulez plus de fric, construisez une histoire plus sexy.

Votre plan de carrière (Où vous voyez-vous dans 5 ans ?). Pareil, c'est invérifiable. Dans 2 ans, vous aurez découvert d'autres choses ou vous aurez changé d'avis. Construisez une histoire qui vous serve, une histoire qui n'implique pas que vous quittiez l'entreprise. Les RH aiment les gens qui se projettent dans la structure, et pas ceux qui comptent rester 2 ans et se barrer. J'ai été recruté en SSII grâce à cela. J'ai dit que je voulais m'orienter vers des fonctions managériales, encadrer une équipe tout en restant dans la technique. En un sens, c'était vrai (sauf que je ne comptais pas rester à SSII-lamda).

Ne pas mentir, mais déformer la réalité

On en vient ainsi à un point important : en déformant la réalité, vous allez vous construire une personnalité qui passera mieux. Cependant, plus ce personnage virtuel que vous allez créer sera loin de votre vraie nature, plus le rôle sera difficile à jouer. Il est donc plus facile de partir de votre vrai personnage et de le déformer petit à petit de manière à en construire un qui rentre dans le moule. N'allez pas dire que vous voulez faire chef de projet si vous voulez faire consultant senior. C'est un décalage inutile qui vous fait prendre un risque inutile : si on vous demande en quoi consiste pour vous le métier de chef de projet, vous ne serez pas armé pour répondre si vous ne vous êtes jamais intéressé au métier.

Pour tout ce qui est vérifiable, je ne vous conseille pas de mentir au sens strict du terme. Il y a toujours un risque d'être démasqué, au quel cas, c'est mauvais. Par contre, vous pouvez déformer la réalité dans des proportions telles que l'image que vous allez construire de vous n'aura plus rien à voir avec la réalité objective. Même si, à proprement parler, vous n'avez pas menti.

Exemple : A SSII-lambda, je m'étais vaguement occupé de deux stagiaires. Je n'était pas leur encadrant officiel, mais je les avais aidé à comprendre le projet, à faire leur mémoire. En entretien, cette expérience devient "j'ai déjà une petite expérience en management, j'ai eu des stagiaires sous ma responsabilité". Et là, j'ai enchaîné : "Effectivement, je n'ai jamais encadré une équipe à proprement parler, mais pour ce type de fonctions, il y a toujours un moment où il faut se jetter à l'eau. C'est comme pour faire passer des entretiens. Vous même, vous avez probablement appris des bases théoriques, peut-être vous êtes-vous entraîné avec quelqu'un, vous avez peut-être fait passé des entretiens à deux. Mais un beau jour, vous vous êtes retrouvée seule devant un candidat..." Un peu d'empathie et de léchage de pompes, et derrière : "Effectivement, encadrer des stagiaires n'est pas encadrer une équipe, mais cela me permet aujourd'hui d'être aussi préparé que l'on peut l'être à une première expérience en management" C'est comme ça que j'ai eu ma première équipe. J'ai eu la chance que l'entreprise aie eu un budget limité à ce moment là, ce qui l'obligeait à accepter un candidat qui avait 2-3 ans d'expérience (alors que si vous voulez quelqu'un qui a déjà managé, il faut au moins 5 ans, ce qui va coûter dans les 55k bruts). A côté, il devait y avoir des candidats qui en étaient à fin des études +3 ou 4 ans, mais qui n'ont pas pensé à parler de leurs stagiaires.

Exemple 2 : Vous avez passé deux ans à pisser du code, sauf quelques heures où vous avez fait un peu de gestion de projet, où vous parliez avec le client, ou autre. Vendez ça, laissez penser que c'était une part importante du boulot. C'est une manière très peu honnête de présenter les choses. Bien sûr, ce sont des expériences minimes, et si il fallait être objectif, votre boulot était bien de coder. Mais sur ce genre de choses, les RH ne vous en tiendraient pas rigueur, du moment que vous avez effectivement fait ce que vous avez dit. Il est communément admis que c'est le jeu, en entretien, de mettre en avant les expériences les plus vendeuses, même si elles ne sont pas représentatives du poste que vous avez occupé.

Le fric

On attend TOUJOURS que la RH en parle. Il ne faut JAMAIS y venir de soi même, la logique des RH étant celle-ci :

  1. Un bon candidat n'est pas motivé par l'argent, mais par le poste, ses challenges, ect.
  2. On en vient à l'argent que lorsqu'il est admis que, sur le principe, je souhaite recruter le candidat.

Le point 2 peut se comprendre, le point 1 est absurde, mais c'est le code de l'entreprise. Ne vous en faîtes pas, si elle veut vous prendre, la RH viendra à cette question, soit en vous demandant vos prétentions, soit en vous bombardant un chiffre. Si on vous demande vos prétentions, voici les attitudes possibles :

  • Si vous n'avez pas absolument besoin du poste (parce que vous êtes déjà au chaud quelque part ou parce que vous avez déjà 15 autres offres), vous pouvez y aller au culot, et balancer un chiffre élevé. Ça passe ou pas, si ça passe pas, vous risquez de ne pas être retenu, à vous de voir si vous pouvez vous permettre de prendre le risque. Si elle s'étonne du chiffre, dîtes qu'on vous propose la même chose ailleurs, et que c'est comme ça que vous savez que ce n'est pas excessif.
  • Si il vous faut du boulot, il faut essayer de viser le haut de la fourchette. Là, il est très pratique d'avoir un pote dans la place parce qu'il vous la donnera. Si vous savez que la RH compte vous donner 38, vous demandez 40-42. Souvent, elle trouvera mesquin de mégoter pour moins de 3k. Au pire, elle vous propose les 38 qu'elle comptait vous donner, ce qu'elle risque davantage de faire si vous demandez 50. Ça permet de gratter 2 ou 3k de plus, vous ne ferez pas fortune avec ça, mais c'est toujours ça de pris.

Le salaire précédent : essayez de ne pas le donner. Si vous y êtes obligé, essayez de le gonfler avec les primes et l'intéressement. Mentir carrément est risqué car votre nouvel employeur peut vous demander votre feuille de paie.

Et une fois en poste ? Vais-je assurer ?

C'est là LA question que l'on veut que vous vous posiez avec angoisse. L'expérience est supposée vous donner des acquis, des connaissances, un aplomb qui peut vous permettre de faire face à plus de responsabilités. La valeur de l'expérience est hautement sur-évaluée dans le monde du travail. Manager n'est pas bien compliqué. D'ailleurs, dans d'autres secteurs, le BTP ou l'urbanisme, par exemple, les ingénieurs sont catapultés chefs d'équipe dès la sortie d'école. En informatique, ça ne se fait pas parce que les hommes de rang sont eux-mêmes ingénieurs. Il n'y a pas assez de postes de manager (ni de pognon) pour tout le monde, il faut donc faire une sélection. Comme les gradés sont eux-mêmes vieux, ils privilégient l'expérience, cela leur permet d'asseoir leur propre légitimité. Dans les faits, nombre de jeunes diplômés seraient capables de diriger des équipes mieux que les précieux seniors. Je vous assure que c'est simple. Citons le désormais célèbre directeur de l'aéroport de Limoges qui a fabriqué son CV de A à Z, qui a pipeauté tout le long de ses entretiens. TOUS ses diplômes étaient des faux ! Et bien, il a dirigé l'aéroport pendant deux mois, il a convaincu tout le monde de ses compétences, il était même très apprécié. Si il n'avait pas été dénoncé par une ex-belle-sœur avec laquelle il avait probablement des griefs, il aurait pu rester là des années et son entourage serait toujours à cent lieues de soupçonner la moindre arnaque. Lui a été démasqué parce qu'il a eu la malchance d'avoir des problèmes avec sa belle-famille, mais combien ont ainsi pu bâtir toute leur carrière sur des mensonges ? Je serais curieux de savoir combien de BAC+2 en info ont trafiqué leur CV en s'inventant un BAC+5, comprenant que ça passerait très bien en SSII. Je suis sûr que ça passe aussi dans des entreprises d'informatique plus sérieuses. Il en est découvert régulièrement par différents biais : dénonciation, enquête d'une RH un peu fouineuse mais jamais suite à une enquête lancée parce que les imposteurs sont jugés anormalement incompétents.

Ce monsieur y est allé un peu fort, le faux et usage de faux est tombé sous le coup de la loi, diriger un aéroport sans diplôme d'aviation civile pose quelques problèmes d'assurance. C'est d'ailleurs grâce à cela que ses employeurs ont pu le virer et le poursuivre sans perdre la face. Je ne vous conseille pas de pipeauter à ce point là. Vous qui allez au devant d'une carrière sympathique, n'allez pas vous retrouver au tribunal pour usage de faux et sur la liste noire de tous les employeurs de France et de Navarre. Le type en question n'avait rien, si il n'avait pas fait son numéro, son destin aurait été de travailler dans une usine pour 1000€/mois et d'habiter un HLM. Là, il va passer au tribunal... puis il va aller bosser à l'usine pour 1000€/mois. Finalement, pour lui, le risque était limité, il n'avait pas grand chose à perdre. Vous qui avez quelque chose à perdre, ne vous lancez pas là-dedans. Cet exemple était là simplement pour vous dire que si un type qui n'avait pas la moindre qualification ni la moindre expérience dans son domaine a pu bluffer tout le monde à un poste de management autrement plus élevé que celui que vous visez, c'est bien que manager n'est pas aussi difficile que vous ne le pensez. Directeur d'un aéroport international, c'est 50 personnes sous vos ordres, des tuiles à gérer quotidiennement et des relations publiques à entretenir... Pour improviser ça, le type devait être assez balaise quand même, mais son aventure prouve bien que manager peut s'improviser, ce n'est pas sorcier. C'est même plus simple qu'un travail d'informaticien : pensez-vous qu'il soit possible pour un parfait imposteur qui n'a jamais tapé une ligne de code de faire illusion ne serait-ce qu'une semaine ? Je ne vous dis pas de vous inventer un poste pour vous retrouver directeur d'aéroport, je vous dis d'embellir le tableau pour prendre plus vite un poste de chef d'équipe. Vous vous en sortirez très facilement. Des chefs d'équipe, qui arrivaient, j'en ai connu quelques uns : des sans expérience et des expérimentés. La différence est imperceptible. Pour tous, il y a une période d'adaptation au cours de laquelle tout le monde prend ses marques et où la recrue découvre les spécificités de l'entreprise. Un novice peut mettre cette période à profit pour se faire la main en management, ce qui peut éventuellement allonger la période de rhodage. Cependant, la longueur de cette phase dépend d'un grand nombre de facteurs (certains sujets sont plus difficiles à comprendre que d'autres, certaines équipes sont plus difficiles à prendre en main que d'autres...). Si bien qu'il est impossible de voir sur le terrain qu'un nouveau manager est un novice.

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