Réussir son début de carrière en SSII

Publié le par doug

SSII-lambda est une boîte dans laquelle on peut se plaire ou pas. Tout dépend de l'état d'esprit avec lequel vous y venez.

On peut comprendre que, en sortant de l'école, on ait envie de faire ses preuves, de montrer de quoi on est capable pour monter le plus vite possible. A ssii-lamba comme, je pense, dans n'importe quelle SSII, ce n'est pas la bonne approche.
Vous ne serez jamais reconnu, les augmentations de salaire, il ne faut même pas y penser, les promotions, peut-être dans 4 ou 5 ans (autant dire jamais car alors, vous ne serez plus là, du moins je vous le souhaite).
Ceux qui mouillent le maillot pour cette entreprise le font pour rien et finissent aigris ou au moins frustrés et je les comprends : ils se sont pris la tête tous les soirs jusqu'à 20h pour s'entendre dire dix ans de suite que les augmentations étaient gelés (sauf pour le PDG évidement) mais que la direction les félicitait.
Comme SSII, il y a pire paraît-il, mais ça reste une SSII avec la méthode SSII : vous faire miroiter monts et merveilles pour vous faire bosser le plus possible, sans vous payer les heures sups évidement. Ça dure le temps que ça dure. Quand les gens comprennent qu'ils se sont fait avoir, ils se tirent, et une nouvelle génération de jeunes diplômés prend le relais. Évidement, votre intérêt à vous consiste à comprendre dès le début qu'il n'y a rien à attendre de cette boîte et donc qu'il est inutile de s'y investir.

SSII-alpha ne fera pas d'exception pour vous

Quand on arrive dans une boîte, il faut lui donner sa chance et ne pas supposer d'emblée qu'elle ne vous donnera jamais rien. Mais essayer de bosser pour voir ce qui tombe est une mauvaise approche. Vous risquez de bosser pour rien au quel cas, vous serez dégoûté et aigri. Ce qu'il faut faire, c'est enquêter pour savoir si la boîte vaut la peine que l'on s'investisse dedans. Les bons indicateurs sont le turn-over et les salaires (plus difficiles à connaître mais possible, notamment grâce aux syndicats qui ont des stats). Si vous voyez des types qui bossent bien mais qui se plaignent de ne pas être reconnus et si vous avez 15 départs par mois, c'est même pas la peine de vous fouler : la boîte ne fera pas d'exception pour vous, il faut bien se mettre ça dans la tête.

La bonne approche

La bonne approche, je le pense, c'est celle qui a été la mienne dès que j'ai compris que les augmentations, c'était pas le genre de la maison. Ça se sait très vite. Vous vous apercevez également rapidement que le turn over est élevé et que le principe et de rester deux ans et mettre les voiles. Si les gens ne restent pas, c'est qu'il n'y a pas d'avenir et que l'herbe est plus verte ailleurs. Vous croyez vraiment que sur votre site qui emploie 200 personnes, il y en a 15 qui se tirent chaque mois sans avoir autre chose de mieux derrière ?
Ce constat dressé, une seule conclusion s'impose : inutile de se prendre la tête, inutile de chercher à briller, inutile de faire du zèle. Il faut et il suffit d'assurer un service minimum histoire de ne pas se faire remarquer, un peu de politique pour se faire quelques alliés (idéalement parmi les RH) et c'est tout.

Il faut tenir pour acquis les points suivants :

  • Vous n'aurez pas d'augmentation de salaire, où alors seulement une augmentation symbolique : 3%, c'est déjà très bien. Sur votre salaire de 1900 net mensuel, ça fera 55€ dont 30% va partir en impôts sur le revenu. Si vous êtes à 40€ près, donnez des cours de math à des lycéens le soir, vous vous ferez largement plus. Ça ne vaut vraiment pas le coup de bosser 2 heures de plus le soir pour ces hypothétiques 3%.
  • Vous serez parti dans 3 ans maxi, par conséquent, vous ne visez pas de poste plus haut placé. Quand on vous dit "si vous travaillez bien, peut-être que dans 3-4 ans blablabla...", le réflexe doit être de penser "dans 3-4 ans, je serais parti".
  • Vous êtes dans une grosse usine, donc, personne ne sait vraiment comment vous bossez. Sauf à y aller vraiment trop fort dans la glande, faire illusion pendant 2 ans est facile.
  • Le discours des gradés est là uniquement pour servir les intérêts de la pompe à fric qui vous emploie. Lorsque l'on vous parle des merveilles de l'entreprise et de la chance que vous avez à y travailler, il suffit de dire oui-oui, ça ne mange pas de pain.

Si vous le jouez ainsi, le début de carrière en SSII n'est pas si désagréable. Un début de carrière tranquille, qui prolonge un peu la vie étudiante avec la paye en plus. Si vous avez votre premier job à ssii-lambda, c'est comme ça qu'il faut le prendre.

Personnellement, j'étais à 30k en province. Pour un débutant sorti de mon école, on peut dire que c'est tout juste correct. Par contre, le rythme était plus que cool : réveil à 8h le matin, 20 minutes de trajet, arrivée au bureau à 9h bien tassées, un bon quart d'heure pour parler à Pierre Paul Jacques une heure de boulot, puis 20 bonnes minutes de pause, à midi, tu t'arrêtes pour casser la graine, tu reviens à 14h bien tassées, pause d'une demi-heure à 16 heures, 18 heures maxi t'es parti, sauf le vendredi où t'es parti à 17h dernier carat. Ça laisse assez de liberté mener une vie nocturne, pour peu que vous ayez vos quartiers dans une ville un peu sympathique.
En théorie, on était à 39h par semaine (avec des RTT pour compenser)
Dans la pratique, on ne faisait même pas 35 heures. Enfin, ceux qui avaient compris le système, parce qu'il y avait tout un tas de glands qui faisaient 50 heures par semaines pour pas un kopeck de plus que moi simplement parce qu'"ils n'étaient pas des fonctionnaires". Enfin, si ça les amuse de se tuer à la tâche pour payer le yacht du PDG et les dividendes des actionnaires...

Mon boulot était fait. Assez bien et assez vite pour ne pas être trop catalogué parmi les glandeurs. Pas assez bien pour espérer avoir une augmentation ou une promotion, mais comme de toute façon les augmentations sont réservées à la direction générale et les promotions sont impossibles à avoir avant au moins 4 ans même en travaillant jour et nuit. Vu que l'idée était de rester deux ans avant de partir "découvrir de nouveaux horizons", je me fichai royalement du poste de responsable machin truc que les RH faisaient miroiter.

Côté ambiance, ce n'était pas mal, il n'y avait pas à se plaindre. Ceux qui bossaient comme des nègres ne m'en voulaient même pas de glander, parce qu'ils croyaient que leurs efforts seraient récompensés un jour où l'autre et que je m'en mordrais les doigts à ce moment là. Je n'ai pas de nouvelles, mais je dirais qu'ils attendent encore leur récompense. Je me suis même fait quelques bonnes relations, même parmi les RH et la direction du site. Il faut dire que je me défend à peu près en politique, sans toutefois pouvoir prétendre au rang de grand maître (chez certains, c'est tout un art).

Quand mon projet au forfait s'est terminé, ils ont essayé de m'envoyer en régie. Avec les commerciaux, c'est simple : si tu veux bien t'entendre avec eux, il faut accepter tout et n'importe quoi. Si tu bosses 12 heures par jour sur un site à 200 bornes de chez toi, sans remboursement des frais de déplacement, là, il va t'adorer, mais sinon... Conclusion : avec ceux là, ça va friter, il n'y a pas le choix. Au final, j'ai passé 6 mois en inter-contrat à domicile, j'explique sur une autre page comment j'ai fait et comment j'ai occupé mon temps.

De manière générale : la première chose à faire, quand on arrive dans une boîte

Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que votre SSII est une exception ? C'est possible. Je ne les connais pas toutes, il y en a peut-être de très bien. Dans ce cas, laissez-moi vous donner un dernier conseil. Il est valable pour toutes les entreprises dans lesquelles vous mettrez les pieds.

Renseignez-vous aussi vite que possible.

  • Estimez le turn over : C'est facile, il suffit de voir combien de gens partent. Si il y en beaucoup, dîtes vous bien que les démissionnaires ne vont pas à l'ANPE, ils partent parce qu'ils ont trouvé mieux ailleurs. Si beaucoup trouvent mieux ailleurs, c'est sans doute qu'il y a mieux ailleurs...
  • Estimez la moyenne d'âge des équipes, des n+1, n+2 et n+3. Vous saurez ainsi quand vous pourrez espérer monter. si vos collègues ont tous moins de 30 ans, demandez-vous ou sont passés les vieux. Ils sont partis ou ils sont montés ?
  • Estimez les salaires. Plus difficile, mais possible grâce aux syndicats et aux collègues un peu bavards.
  • Apprenez et analysez le parcours de ceux qui sont à côté de vous. Depuis combien de temps sont-ils là ? Qu'ont-ils fait avant ? Pourquoi restent-ils ? Ont-ils des contraintes relative à leur vie privée ? Celui qui a fait une école d'ingénieurs pas terrible ou un parcours un peu bizarre à la fac et qui a un CV quelconque reste peut-être parce qu'il n'a pas grand chose à attendre d'un nouvel emploi. Si en plus, il a 3 enfants, il ne veut pas prendre de risques. En revanche, la star du C++ qui sort de l'ENSIMAG et qui a écrit 3 bouquins de programmation trouve du boulot ailleurs quand elle veut. Si elle reste là, c'est que l'entreprise a fait ce qu'il fallait.

Quand vous saurez tout ça, vous saurez ce que vous pouvez espérer pour dans un an, dans cinq ans ou dans dix ans en restant où vous êtes. Vous saurez si, oui ou non, cette entreprise vaut la peine que vous vous y investissiez. Si la réponse est oui, tant mieux : établissez de bonnes relations avec les gens, faîtes bien votre boulot, essayez d'avoir des responsabilités supplémentaires.

Mais ne cherchez pas à tout prix à répondre oui. Dans une boîte de m... bosser ne vous avancera à rien. Si la réponse est non, dîtes vous que votre bureau est la seule chose que vous verrez dans cette boîte. Fuyez les responsabilités comme la peste, contentez vous d'assurer le service minimum. Profitez de la vie pendant un an ou deux, sortez dans les bars, draguez les filles -ou les mecs- cuisinez, bref, faîtes ce que vous aimez. Bosser, faire ses preuves et gagner du fric, c'est sympa. Je vous assure que glander deux ans l'est aussi, et ça l'est bien plus que bosser pour rien.

Dîtes vous bien que, à force d'ajouter des lignes sur le CV, vous finirez par trouver un employeur qui en vaut la peine. Si vous êtes très chanceux, ce sera le premier, dans mon cas, ce fût le deuxième, pour vous, ce sera peut-être le troisième ou le quatrième. Vous aurez l'occasion de bosser 60 heures par semaine et de faire votre trou, ou alors de vous trouver une place plus tranquille, avec une paie plus modeste, mais une meilleure qualité de vie, si c'est votre choix.

Si vous êtes dans une boîte de m... c'est que votre heure n'est pas venue, il faut alors garder vos forces pour plus tard.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Mais c'est tellement vrai. Je fais un boulot d'ingenieur depuis deux payé a peine au dessus de smic. Mes entretiens annuels n'ont jamais été fait. Aucune formation depuis mon entrée et les délégués du personnels sont de mèche avzc la direction. C'est de l'esclavage moderne, avec l'épée de Damocles du licenciement ils obtiennent tout par la pression et la peur et la plupart du temps a la limite de la légalité. Leur but etant de se faire les plus grosses marges possible sur notre dos. Merci pour ton blog je pense qu'on partage tous ce quotidien en tant que "consultant".
Répondre
R
Tu es un génie :)<br /> Bravo. J'ai l'impression de voir mon quotidien en ss2i dans ta narration.<br /> Une seule chose : continue de nous décrire avec brio ton ton expérience. Un régal.
Répondre