Faire écourter son préavis

Publié le

L'usage en SSII consiste à vous jeter dehors avec un chèque plutôt qu'à chercher à vous retenir quand vous annoncez votre intention de partir. Le cas -glané sur internet- qui suit est sans doute une exception.

Un type se pointe sur un forum et raconte ceci :
"Je viens de finir une mission pour SSII-machintruc, j'ai trouvé du boulot ailleurs, je voudrais donc une dispense de préavis.
Problème : le commercial avec les cheveux pleins de gel refuse parce qu'il a trouvé une mission courte durée sur laquelle me placer.
Bien sûr, le commercial me demande de ne pas dire au client que je suis en préavis.
Qu
e puis-je faire ?"
Je reconnais bien là l'excellente gestion des ressources humaines en SSII. Plutôt que de se dire "chic chic chic, on n'aura pas à payer un type en préavis qui n'est plus motivé" et d'écourter la période sans demander leur reste, ils ont leur petit orgueil, et ils te forcent à rester.
Alors oui, ils en ont le droit parce que code du travail et contrat que vous as signé et blablabla.
Sauf que le contrat ne spécifie pas la motivation qui doit être la tienne pendant le préavis, ni l'efficacité qui doit être la tienne. Si tu étais à l'usine, le contre-maître pourrait voir que tu travailles moins vite. Ce serait facile, c'est toujours le même boulot. En informatique, ce n'est pas le cas, il peut y avoir des complications qui font que les choses avancent moins vite, on le sait tous. C'est pour ça qu'à partir du moment où tu te pointes à l'heure et que tu repars à l'heure, ils n'iront jamais aux prud'hommes, ils savent qu'ils ne gagneront rien.
N'importe quelle entreprise bien gérée le sait, c'est bien pour cela qu'il est généralement facile d'obtenir des dispenses de préavis, il y a même des entreprises qui te proposent d'être payé trois mois à rester chez toi.

Mais légalement, rien à faire, ils sont dans leur droit, ils peuvent te forcer à faire le préavis.

Dans ton cas, tu as un avantage : ton client. Je ne connais pas de client qui soit assez bête pour prendre un démissionnaire sur un projet de trois mois. Même dans l'hypothèse complètement farfelue où le type ferait du zèle, il serait embêté si le projet prenait ne serait-ce qu'un peu de retard. Dans mon nouveau boulot, il m'arrive de prendre des prestas, et un cas comme ça, c'est mort, je ne prends pas ! Trop de risques que son crétin de manager l'ait forcé à faire son préavis et qu'il n'en rame pas une une fois chez moi. Et même si il est tout à fait disposé à faire la mission, je sais que le dernier vendredi, il range ses affaires et il se tire même si j'ai encore besoin de lui.
Conclusion : La solution est de foirer l'entretien, comme toujours lorsqu'on n'a pas envie de faire une mission. Dans un cas comme celui-là, il faudrait vraiment être un manche pour être pris. En plus de toutes les consignes listées dans l'article prévu à cet effet, il faudra, dans ce cas, ajouter une dernière charge pour que le sabotage soit parfait.
Quand on en viendra à ton parcours et à tes projets pour l'avenir, tu places le coup de ta démission. Deux façons de le faire :

  1. Si tu n'est pas -encore- en guerre ouverte avec ta crèmerie, tu cases ça dans la discussion l'air de rien, histoire que ça ait l'air d'une gaffe. Tu étais en entretien depuis 20 min, la situation se détendait, tu as baissé ta garde... Ça arrive souvent. Pour le reste, tu n'as pas été brillant, non pas par volonté de saboter mais parce que tu n'est plus motivé, tu n'est plus dans le coup. Tu penses à ta future vie et à ton futur job, à ton futur appartement.
  2. Si la guerre est bel et bien déclarée, il n'y a rien à perdre de ce côté, laisse tomber la manipulation, la priorité est d'achever le sabotage. Tu assaisonnes la partie sur ta démission avec parcimonie avec une petite pique contre ton employeur. Avec parcimonie parce que si tu t'enflammes trop, tu peux risquer un procès en diffamation. Pas la peine d'en arriver là, le simple fait de tailler suffira. Tu donnes ainsi au client une mauvaise image de toi, mais aussi de ta boîte : elle leur a refilé le type sur le départ qui ne pense qu'à cracher sa bile, en gros, elle essaie de lui fourguer son plus mauvais élément. Pas très vendeur.

Non seulement tu n'a pas la mission, mais en plus, ils ne s'aviseront jamais à te présenter pour une autre.
Là, le mot "sabotage" est faible : il s'agit de placer un bâton de dynamite sur les cendres encore fumantes de l'édifice que tu viens de plastiquer au cas où il reste encore une brique à moitié intacte.

Petits plus pour parfaire le sabotage

Rappel : rien ne t'oblige à informer ta crèmerie de l'identité de ton futur employeur. Ils le découvriront sans doute plus tard si ils lisent ton CV sur internet, mais leur cacher pendant le temps du préavis peut s'avérer utile.
Dans ton cas, ça pourrait servir à raconter ce qui t'arrange pendant les entretiens, le but étant, je te le rappelle, de convaincre ton interlocuteur que tu seras la plus improductive des recrues.
Donc, tu dis que tu pars aux USA. Ça veut dire voyage à préparer, paperasses pour avoir le droit d'immigrer, maison à trouver dans un autre pays à 5000 Km d'ici... Pour faire encore mieux, tu dis que tu as une nouvelle copine et que vous partez ensemble pour emménager. Bref, le plan qui fait que tu penses à tout sauf au boulot qu'il te donne.

Bien sûr que ton commercial ne veut pas que tu fasses ça ! Il veut te placer trois mois de plus pour se faire de la tune, il ne va pas te dire que tout ce que tu as à faire pour faire sauter ton préavis, c'est faire foirer l'entretien et que tout ce que tu as à faire pour faire foirer l'entretien, c'est dire que tu démissionnes.


Le plus beau dans tout ça, c'est que le client ne voudra pas de toi, ils ne trouveront pas à te placer. Ils regretteront leur refus, peut-être même qu'ils te proposeront de partir comme tu l'avais demandé mais ce sera mort ! Tu auras décalé la date de ton embauche, tu auras besoin d'un salaire pour bouffer, donc tu diras non. Résultat : obligés de te payer les 3 mois à rien faire. Ce sont vraiment des chefs ! Quels grands stratèges !


Dernier rappel : en ne te pointant tout simplement pas au boulot, tout ce que tu risques, c'est une condamnation aux prud'hommes à des dommages qui représenteront le montant des salaires que tu aurais reçu pendant le-dit préavis.
Peu d'entreprises font un procès pour si peu. Si vraiment c'est la guerre, il y a tout de même une chance que ça arrive.0
N'allez pas vous lancer là dedans pour aller dans la SSII concurrente pour 3k de plus par mois.
Maintenant, si écourter le préavis est la seule solution pour avoir le job de vos rêves, du genre le poste à Google en plein cœur de la Sillicon Valley, ça vaut peut-être le coup de risquer 5 ou 6000€ de dommages et intérêts.
A vous de voir.


L'art d'écourter un préavis en règle générale

Le manager a son petit pouvoir et il aime l'exercer. Pouvoir dire oui à untel et non à un autre parce que c'est son bon plaisir, c'est ainsi qu'il prend son pied.
Un pouvoir virtuel parce qu'il favorise généralement celui qui lui sourit par devant et le descend en flammes par derrière. Pouvoir tout de même.

C'est pourquoi, quand on veut partir sans attendre trois mois, il faut le convaincre que vous faire sauter le préavis est dans son intérêt, que vous ne partez pas pour lui faire un pied de nez et qu'il ne sera pas perdant à vous laisser partir, ni à vos yeux, ni aux yeux de personne. Débarquer en entretien en disant "j'ai trouvé mieux payé ailleurs, donc bye bye", c'est pratiquement en prendre pour trois mois de plus. Il faut être plus subtil. Votre but est-il de faire un pied de nez et de mettre la rage à votre employeur ou d'obtenir un départ dans de bonnes conditions ?
Premièrement, rien ne vous oblige à révéler l'identité de votre futur employeur, ni votre nouveau lieu de travail. Voilà une bonne arme. Plutôt que donner à la RH une précieuse information pour l'entreprise, construisez une histoire qui va vous servir. Le but est de la convaincre -subtilement- que vous ne serez plus bon à rien si vous restez. Voici donc l'histoire :

  1. Vous avez une nouvelle copine. Vous avez lâché votre appartement pour habiter avec elle.
  2. Problème : Elle habite dans une autre ville, à 100 bornes.
  3. Vous avez donc trouvé un autre boulot là bas dans l'entreprise X.
  4. Vous sollicitez donc une dispense de préavis. Naturellement, si on a absolument besoin de vous, vous resterez conformément à la loi. Ceci étant, 100 bornes de trajet tous les jours, nouvelle copine à laquelle vous pensez toute la journée et que vous êtes pressé de retrouver le soir, le travail et la carrière ne seront plus une priorité pour vous dans les mois à venir... [Sous entendu : Il ne faudra donc pas compter sur vous avant 10h le matin, ni après 17h le soir.] Aussi est-il sans doute préférable pour tous de rompre le contrat à l'amiable.

Vous augmentez ainsi vos chances d'obtenir une réponse favorable parce que vous ne claquez pas la porte. Vous ne partez pas parce que vous n'avez pas assez d'argent et que vos chefs sont des cons.

NB : Quelle que soit la raison -polie- que vous invoquez lors de vos entretiens de départ, sachez que personne n'est dupe. Les fumisteries d'usage du genre "j'ai besoin de nouveaux challenges" ; "Je veux découvrir de nouveaux horizons" ; "Je veux évoluer" ; "Mon projet professionnel me conduit à quitter l'entreprise" ne font plus illusion. Toutes signifient "j'ai trouvé une boîte qui me paie 15% de plus (et je vous emmerde)". Il faut donc inventer une histoire qui sert à convaincre que ce n'est pas votre cas.

Votre manager peut toujours vous obliger à faire des allers-retours pendant 3 mois... Un ennui bien provisoire : vous êtes sur votre petit nuage avec votre copine (c'est pour cela que le coup de la copine est excellent). Nouveau job, nouvel appartement, nouveaux meubles, nouvelle vie. Quelqu'un qui est dans une telle situation n'en a rien à faire du job qu'il est en train de quitter. Il y est suffisamment indifférent pour ne même pas penser à claquer la porte. Pendant son préavis, il ne sera bon à rien, mais pas pour se venger, juste parce qu'il s'en fiche VRAIMENT.

Plus facile, dans ce cas, de laisser partir le type pour les RH et les managers. Leur dire "j'ai trouvé mieux ailleurs [et je vous emmerde]" c'est leur lancer un défi, c'est leur demander de céder. Céder, ils n'aiment pas, ils veulent affirmer leur autorité. Il est bien plus judicieux de faire sentir une indifférence totale. Là, il n'est plus question de céder lors d'un bras de fer mais de retenir un type qui a la tête ailleurs ou de s'en débarrasser.

Vous voulez claquer la porte ? Vous avez envie de les humilier ?
Imaginez la tête qu'ils feront quand ils découvriront que vous bossez chez le concurrent juste en face... Que vous vous êtes moqué d'eux du début à la fin, que vous les avez baladé pendant toutes les négociations, que vous les avez manipulé avec vos histoires de nouvelle copine pour obtenir votre dispense de préavis.
C'est ça, gagner vraiment.

Comme j'aimerais pouvoir vous dire que c'est moi qui ai inventé cette fable et joué cette pièce de théâtre ! Hélas, c'est un de mes amis. Je poste l'idée ici, sur ce forum, car c'est du grand art.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article